Alger-Paris, tensions ravivées : un journaliste face à un diplomate, le message politique passe par la presse

Rédigé le 09/12/2025
via Jeune Afrique

À Alger, des textes publiés simultanément par Le Soir d’Algérie et El Khabar dénoncent « l’hypocrisie » de la justice française et ciblent directement l’Élysée. Selon des informations concordantes, ces articles auraient été rédigés au sein de la direction de la communication de la présidence, avec instruction de les publier en Une sous pseudonyme. La charge, portée par le  Palais d’El Mouradia , assume des formules telles qu’un « réflexe colonial pur et dur » et « une nostalgie pathologique d’un temps révolu », ce qui implique la responsabilité d’Abdelmadjid Tebboune .



La séquence s’inscrit dans une série de contentieux : le  refus d’extrader  l’ancien ministre Abdesselam Bouchouareb, les accusations de complaisance envers le  MAK  classé terroriste par Alger, et surtout la condamnation en appel du journaliste français  Christophe Gleizes  à sept ans de prison par la cour de Tizi Ouzou le 3 décembre. « La France, dans son costume de donneur de leçons, critique une justice algérienne qui, elle, n’a jamais arrêté un diplomate français en pleine rue sur la base du signalement d’un téléphone portable », écrit Le Soir d’Algérie. « Voilà la France “patrie des droits de l’homme” : un diplomate algérien traité comme un voyou, humilié publiquement, parce que son portable aurait “borné quelque part”. […] En France, la justice n’est qu’un outil politique. »

La référence vise l’agent consulaire Smail R., du consulat d’Algérie à Créteil, placé en détention provisoire le 11 avril 2025 pour  son implication présumée dans l’enlèvement d’Amir DZ en avril 2024 . Un juge français a également délivré en août un mandat d’arrêt international contre Salah Eddine Selloum, premier secrétaire de l’ambassade d’Algérie en France, pour des soupçons liés au même dossier. En miroir, des voix diplomatiques à Paris lisent dans l’affaire Gleizes un levier de pression : « On est bien conscient que les Algériens agitent désormais le dossier du journaliste français comme un moyen pour faire pression sur l’Élysée afin de faire tomber les chefs d’accusation contre cet agent et obtenir son rapatriement », confie un diplomate français familier du dossier.

Le signal envoyé arrive à contretemps. Alors que les deux capitales tentaient, laborieusement, de relancer un dialogue sécuritaire — une délégation algérienne de haut niveau devait atterrir à Paris le 8 décembre pour rencontrer ses homologues — la rhétorique offensive rehausse la température. Depuis la Chine, le 5 décembre,  Emmanuel Macron  s’est voulu mesuré : « Nous agirons avec sérieux, loin des déclarations médiatiques, pour explorer des solutions possibles », à propos de Christophe Gleizes. À Alger, c’est précisément par des « déclarations » que la présidence choisit de camper sa position, transformant un contentieux judiciaire en test politique de la relation bilatérale. JA